W-A Bouguereau représente Amour et Psyché sous les traits de jeunes enfants

Peinture à l'huile,71x119.5cm de William Bouguereau réalisée en 1890, collection privée. Représentation du mythe d'Amour et Psyché enfants. Le baiser.

Amour et Psyché, enfants, William-Adolphe Bouguereau, 1890

Pour compléter le cycle consacré à la représentation  »explicite » du mythe d’Amour et Psyché, William-Adolphe Bouguereau a choisi de représenter l’épisode du baiser de l’Amour.

Il apparaît cependant qu’il en ai fait sa propre interprétation en représentant les deux protagonistes non pas adultes, conformément à la tradition littéraire, mais enfants. S’inscrivant de même en faux par rapport à la tradition iconographique de l’épisode, dont nous pouvons donner un exemple : il s’agit de la sculpture d’Antonio Canova (1800), conservée au Louvre et que nous avons déjà évoquée dans un article consacré à l’Amour dans ce muséeainsi que dans l’article consacré à la représentation traditionnelle du mythe.

Comment peut donc s’expliquer cette interprétation de Bouguereau ?

Il est possible d’y voir une référence à l’interprétation donnée par les peintres Italiens dans la représentation de l’Amour. Vous retrouverez ce thème traité dans l’article consacré à la représentation d’Amour à la Renaissance.

Ensuite, ce mythe est signifié dans deux oeuvres représentant Cupidon accompagné d’un papillon : Cupidon et le papillon de 1888 et le Captif de 1891.

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Cupidon et le Papillon, 1889

En effet, le papillon représente Psyché et notre article consacré à la symbolique du mythe, ainsi que celui consacré à la représentation de Psyché permettront sûrement d’éclaircir ce point.

Enfin, cette représentation par Bouguereau n’est pas inédite, il est possible de mettre en parallèle ces tableaux avec une oeuvre dont nous avons déjà discuté dans l’article consacré à l’Amour au Louvre :  L’Amour, Antoine-Denis Chaudet.

Bouguereau s’inscrit donc là aussi (comme pour les oeuvres traitant de lAscension vers l’Olympe), dans une certaine tradition iconographique, de la représentation d’Amour et Psyché.

Bouguereau peint Amour et Psyché s’envolant vers l’Olympe

William-Adolphe Bouguereau, pour aborder le mythe d’Amour et Psyché, a choisi de privilégier essentiellement un épisode ; il peint, entre 1887 et 1895, quatre tableaux traitant de l’enlèvement de Psyché, et de son acheminement vers l’Olympe.

Dans le tableau de 1889, cette destination, le royaume divin, est clairement signifiée par l’index, pointé vers le ciel, d’Amour.

Cupidon et Psyché, WB, 1889, Hobart Art Gallerie

Psyché et Cupidon, William-Adolphe Bouguereau, 1889

De plus, l’intérêt de cet épisode réside en partie dans le fait qu’il soit  marqué par une interprétation philosophico-religieuse de l’acheminement de l’âme humaine vers le ciel, et de son union à l’amour divin, (voir l’article consacré à l’interprétation du mythe ). Et cette symbolique semble avoir inspiré notre peintre : si l’on observe le visage béat de Psyché, dans son enlèvement de 1895, il ne manque pas d’évoquer l’Extase, apportée par  »son union intime avec la divinité » (voir définition ).

L'enlèvement de Psyché WB 1895

L’enlèvement de Psyché, William-Adolphe, 1895

La société Sotheby’s, en 2010, a mis aux enchères simultanément deux tableaux traitant du mythe d’Amour et Psyché, un par Bouguereau, l’autre par Gustave Courbet, et à cette occasion une vidéo a été réalisée par Polly Sartori (Vice présidente de la Gallerie et chef du département des peintures, dessins et sculpture Européens du XIXème siècle), que nous avons choisi de vous présenter.

Si cette vidéo a été initialement réalisée dans un but lucratif, son principal intérêt pour nous réside dans la comparaison effectuée entre les deux peintres français du XIXème siècle, dans le traitement d’un même sujet.

Au delà d’une analyse iconographique du mythe, la vidéo aborde le thème de la représentation de la femme nue, de l’ interprétation érotique du sujet mythologique par les peintres du XIXème siècle ; auxquels Bouguereau ne fait pas exception dans son interprétation du mythe de Psyché et que nous avons aussi décidé d’étudier dans un article consacré à cette problématique (dans lequel figure, en tête, le tableau, Amour et Psyché de 1899).

De plus, il faut souligner le fait que nombre d’artistes du XIXème siècle ont été inspirés par les sculpture de l’artiste Italien Antonio Canova, tel que cela nous est expliqué sur la notice de l’une de ses oeuvres conservées au musée du Louvre. Amour et Psyché y sont représentés adultes et complètement nus.

Il faut ajouter que Bouguereau s’inscrit aussi dans une certaine tradition iconographique, en raison de la présence de certains attributs dits  »traditionnels », tels que les ailes d’anges, pour Amour, et de papillon, pour Psyché ; parfois l’arc et les flèches de Cupidon (illustration ci dessous). Un  renvoi à nos différents articles consacrés à l‘iconographie traditionnelle de la représentation du mythe paraît de circonstance.

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L’amour Vainqueur, William-Adolphe Bouguereau, 1887

Pour conclure, dans un article paru le 3 septembre 1905, volume 16 n°3 de la revue anglaise « Brush and Pencil », (numérisé et mis en ligne, format PDF, sur la plate-forme Jstore), ce peintre et son art son encensés ; et, adoptant une logique biographique, l’auteur aborde un panel de problématiques liées à ses oeuvres.

Bien que son interprétation du mythe d’Amour et Psyché, n’y soit  pas ou peu abordé, l’article nous permet de cerner comment ce peintre, pourtant controversé (voir la réception des oeuvres et page sur le contexte artistique), est parvenu à concilier iconographie traditionnelle et attente du public  »moderne », dans le respect des règles académiques et de  »l’art Pompier ».

Amour et Psyché, illustration d’un mythe

L'Amour et Psyché, François-Edouard Picot, 1817

L’Amour et Psyché, François-Edouard Picot, 1817

Le mythe d’Amour et Psyché a été souvent utilisé par les artistes, que ce soit en peinture, en sculpture ou même en tapisserie. Il permet de représenter un couple amoureux : une femme d’une grande beauté accompagné d’un dieu. Faisant l’objet de nombreuses interprétations, ce mythe permet d’évoquer des sujets tels que l’amour véritable, le mariage, la séparation des amants et les épreuves à surmonter pour retrouver l’être aimé. Il permet également aux artistes de réaliser des œuvres empreintes d’une grande sensualité et d’un érotisme certain.

Pour bien aborder l’iconographie d’Amour et Psyché, nous vous conseillons l’ouvrage L’espace de l’Eros : Représentations textuelles et iconiques sous la direction d’Eduardo Ramos-Izquierdo (Professeur de Littérature contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne) et de Angelika Schober (professeur en Lettres et Sciences Humaines à l’université de Limoges), rassemblant les actes du colloque du même titre s’étant déroulé du 26 au 28 mai 2005. A la page 34 du livre numérique (dont certaines parties ne sont malheureusement pas consultables en ligne), vous trouverez le chapitre De la tapisserie à la peinture : le didactisme de l’image au sujet de la légende de Psyché et Cupidon où est retracé l’histoire du thème d’Amour et Psyché en art avec une série d’exemples représentatifs. On y apprend par exemple que l’épisode de la découverte d’Eros par Psyché connaît un grand succès en Europe depuis la Renaissance.

Psyché découvre Éros, Benedetto Luti, 1720

Psyché découvre Éros, Benedetto Luti, 1720

L’iconographie du baiser d’Amour et Psyché est également très usitée. Le programme multimédia réalisé par le musée du Louvre en décembre 2010 : Psyché ranimée par le baiser de l’Amour, autour de la sculpture d’Antonio Canova permet de s’en rendre compte. On trouvera également des tableaux tels que Psyché et l’Amour de François Gérard, ou Amour et Psyché enfants de William-Adolphe Bouguereau.

Sur son blog anglais Visions of Whimsy, une jeune diplômée de Licence en Littérature anglaise, films et télévisions (University of Queensland) a écrit un article intitulé The Story of Eros and Psyche où elle liste bon nombre d’œuvres de toutes époques autour de la représentation de ce mythe. Elle illustre de cette manière le mythe, épisode par épisode, de diverses peintures et gravures.

Sur notre Flickr, vous trouverez différents albums rassemblants des représentations du mythe d’Amour et Psyché, que ce soit des œuvres du XIXe siècle présentants l’histoire du couple, puis plus spécifiquement les œuvres de William-Adolphe Bouguereau. En complément, vous trouverez également la série The Story of Psyche de Maurice Denis datant du  début du XXe siècle.

Amour dans l’Antiquité

Pour commencer, nous pouvons reprendre le texte d’Eduardo Ramos-Izquierdo (Professeur à l’Université Paris-Sorbonne IV et membre du Centre de Recherche interdisciplinaires sur les mondes ibériques contemporains) et Angelika Schober (professeur d’histoire des idées et civilisations à l’Université de Limoges), L’espace d’Eros : représentation textuelle et iconique dans lequel est traitée, en première partie, la représentation d’Eros dans l’antiquité, plus particulièrement chez les Étrusques.

C’est dès le Vème siècle avant J.C. que Eros connaît une représentation fleurissante et abondante dans l’art grec.

Eros

Eros, statuette en terre cuite, entre Ier et IVème siècle

Il est représenté nu, ailé, enfant ou adolescent, conformément aux différentes sources mythologiques.

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Eros, ephèbe volant, env. 200 à 180 av. J.-C.

Il apparaît dans l’art antique, plus particulièrement entre le Vème siècle avant J.C. et le IIIème siècle après J.C., sous forme de reliefs, statuettes ou sculptures. En consultant notre galerie Flickr, dans l’album consacré à la représentation d’Amour dans l’Antiquité, vous pourrez trouver un certain nombre de ces spécimens, représentatifs de la période.

De plus, il est parfois accompagné de sa mère Venus, comme dans cette mosaïque du Ier-IIème siècle après J.C., sous l’apparence d’un petit enfant ailé comme sur cette mosaïque datée du Ier-IIème siècle et conservée au Louvre. 

Ou bien paré des attributs de Vénus, tel que le miroir, en simple référence à sa filiation, comme sur cette statuette en terre cuite de 40 av. J.-C. : Eros portant un miroir ouvertOn peut, de même, le trouver accompagné de son frère Antéros.

Eros et Anteros

Eros et Anteros, entre IIIeme et Ier siècle avant J.C.

Il est possible ensuite de consulter sur le site du Musée Louvre la notice d’un médaillon de 250-200 avant J.C, exposé dans la section des antiquités grecques, romaines et étrusques, qui apporte un certain nombre de précisions concernant la période hellénistique, le sujet représenté, la technique employée et la fonction de cet objet.

Pour finir, les photos des oeuvres présentes au musée du Louvre étant protégées, il est uniquement possible de consulter ces oeuvres sur place ou sur le site du Cartel du Louvre. On peut remarquer, rien qu’à travers cette collection, que le personnage d’Amour, Eros ou Cupidon, fût une source d’inspiration importante pour les artistes grecs, romains et étrusques. En effet, rien qu’au Musée du Louvre, près de 50 objets, très divers, représentent le dieu, seul ou faisant partie d’un groupe. Vous trouverez sur notre Flickr, un album rassemblant des représentations dAmour dans l’Antiquité.

Qui est Amour ?

L’identité d’Amour est fluctuante ; en effet, il est attaché d’une part, selon les légendes les plus anciennes, à la personnalité d’Eros, dieu né du chaos primitif. C’est Hésiode, poète grec du VIIIème siècle avant JC,  qui présente ce dieu primordial dans son ouvrage les Théogonies. Sur ce site consacré à la mythologie , est disponible une traduction du passage dans lequel Hésiode décrit, par le Chaos, la création des premiers Dieux, d’après la traduction de Claude Terreaux (professeur agrégé de lettres classiques), livre paru en septembre 1995 aux Editions Arléa.

Ensuite, un article a été consacré à la figure d’Eros dans les Théogonies par Fabienne Blaise, Professeur en langue et littérature grecques à l’Université Charles deGaulle-Lille 3.

Cependant, la tradition la plus courante assimile Amour au fils de Vénus, déesse de l’Amour et de la Beauté. Il est aussi appelé Cupidon.

Toujours sur le site dédié à la mythologie, cette filiation est expliquée sur la page consacrée à Vénus (ou Aprhrodite, pour les Grecs)

Quoiqu’il en soit, ce Dieu, de par sa symbolique et son rôle au sein de la mythologie, connu une multitude de représentations depuis l’Antiquité. Il serait donc impossible pour nous de faire une liste exhaustive de ces oeuvres.

Un ouvrage général est disponible sur le sujet, dont seuls certains extraits sont disponibles en version numérique sur google books, publié par Eduardo Ramos-Izquierdo (Professeur à l’Université Paris-Sorbonne IV et membre du Centre de Recherche interdisciplinaires sur les mondes ibériques contemporains) et Angelika Schober (professeur d’histoire des idées et civilisations à l’Université de Limoges) intitulé L’espace de l’Eros : représentations textuelles et iconiques. Leur champ d’étude est cependant élargi à  »l’Espace de l’Eros », qui signifie pour les auteurs, l’espace consacré, dans les écrits et arts visuels, à toute la dimension amoureuse et sexuelle, des Étrusques au Xxeme siècle.

Il apparaît malgré tout que Eros, Amour ou encore Cupidon, quelque soit la source, soit le Dieu dédié par la mythologie antique à l’Amour, et  ses représentations dans l’Art, au fil des siècles, connaissent un certain nombre de similitudes que nous allons tenter de cerner par la suite.

Amour et Psyché, un conte oral

Les différents aspects et leçons du mythe d’Amour et Psyché sont récurrents dans la tradition orale. On retrouve en effet de nombreux contes narrant l’union d’un dieu ou tout autre être surnaturel et d’une femme mortelle. Amour et Pysché n’est autre que l’histoire d’un couple qui s’unit et se sépare pour mieux se retrouver. Pour avoir accédé à l’amour éternel, les deux jeunes mariés doivent faire face aux épreuves du mariage et se montrer méritants.

Sur le portail de revues en sciences humaines et sociales Cairn.info, on trouve un article intitulé Le conte d’Eros et Psyché dans la littérature orale par Anna Angélopoulos, psychanalyste et spécialiste du conte, paru dans le numéro 75 de la revue Topique (psychanalyse et anthropologie) où sont évoqués les différents contes appartenant à cette tradition de l’histoire d’Amour et Psyché. L’auteur démontre au fil des exemples que les grands thèmes et symboliques de ce mythe resurgissent régulièrement dans les contes et récits populaires afin d’en transmettre les leçons et enseignements : les épreuves du mariage, les pérégrinations de l’âme pour atteindre l’immortalité, l’initiation à la sexualité, l’amour face à la mort.

En complément, nous pourrons lire un autre article sur le même site, écrit par Jean Perrot, linguiste français du XXe siècle, pour le numéro 198 de la revue Diogène (février 2002) : Du Papillon, Contes et fables pour les enfants du XVIIe siècle à nos jours où il est question de la figure du papillon, symbole de l’âme humaine et insecte attaché à Psyché. On notera par ailleurs que dans de très nombreuses oeuvres, Amour est représenté avec un papillon ou Psyché elle-même possède des ailes de papillon.