Bouguereau peint Amour et Psyché s’envolant vers l’Olympe

William-Adolphe Bouguereau, pour aborder le mythe d’Amour et Psyché, a choisi de privilégier essentiellement un épisode ; il peint, entre 1887 et 1895, quatre tableaux traitant de l’enlèvement de Psyché, et de son acheminement vers l’Olympe.

Dans le tableau de 1889, cette destination, le royaume divin, est clairement signifiée par l’index, pointé vers le ciel, d’Amour.

Cupidon et Psyché, WB, 1889, Hobart Art Gallerie

Psyché et Cupidon, William-Adolphe Bouguereau, 1889

De plus, l’intérêt de cet épisode réside en partie dans le fait qu’il soit  marqué par une interprétation philosophico-religieuse de l’acheminement de l’âme humaine vers le ciel, et de son union à l’amour divin, (voir l’article consacré à l’interprétation du mythe ). Et cette symbolique semble avoir inspiré notre peintre : si l’on observe le visage béat de Psyché, dans son enlèvement de 1895, il ne manque pas d’évoquer l’Extase, apportée par  »son union intime avec la divinité » (voir définition ).

L'enlèvement de Psyché WB 1895

L’enlèvement de Psyché, William-Adolphe, 1895

La société Sotheby’s, en 2010, a mis aux enchères simultanément deux tableaux traitant du mythe d’Amour et Psyché, un par Bouguereau, l’autre par Gustave Courbet, et à cette occasion une vidéo a été réalisée par Polly Sartori (Vice présidente de la Gallerie et chef du département des peintures, dessins et sculpture Européens du XIXème siècle), que nous avons choisi de vous présenter.

Si cette vidéo a été initialement réalisée dans un but lucratif, son principal intérêt pour nous réside dans la comparaison effectuée entre les deux peintres français du XIXème siècle, dans le traitement d’un même sujet.

Au delà d’une analyse iconographique du mythe, la vidéo aborde le thème de la représentation de la femme nue, de l’ interprétation érotique du sujet mythologique par les peintres du XIXème siècle ; auxquels Bouguereau ne fait pas exception dans son interprétation du mythe de Psyché et que nous avons aussi décidé d’étudier dans un article consacré à cette problématique (dans lequel figure, en tête, le tableau, Amour et Psyché de 1899).

De plus, il faut souligner le fait que nombre d’artistes du XIXème siècle ont été inspirés par les sculpture de l’artiste Italien Antonio Canova, tel que cela nous est expliqué sur la notice de l’une de ses oeuvres conservées au musée du Louvre. Amour et Psyché y sont représentés adultes et complètement nus.

Il faut ajouter que Bouguereau s’inscrit aussi dans une certaine tradition iconographique, en raison de la présence de certains attributs dits  »traditionnels », tels que les ailes d’anges, pour Amour, et de papillon, pour Psyché ; parfois l’arc et les flèches de Cupidon (illustration ci dessous). Un  renvoi à nos différents articles consacrés à l‘iconographie traditionnelle de la représentation du mythe paraît de circonstance.

l'amour vainqueur, WB, 1887

L’amour Vainqueur, William-Adolphe Bouguereau, 1887

Pour conclure, dans un article paru le 3 septembre 1905, volume 16 n°3 de la revue anglaise « Brush and Pencil », (numérisé et mis en ligne, format PDF, sur la plate-forme Jstore), ce peintre et son art son encensés ; et, adoptant une logique biographique, l’auteur aborde un panel de problématiques liées à ses oeuvres.

Bien que son interprétation du mythe d’Amour et Psyché, n’y soit  pas ou peu abordé, l’article nous permet de cerner comment ce peintre, pourtant controversé (voir la réception des oeuvres et page sur le contexte artistique), est parvenu à concilier iconographie traditionnelle et attente du public  »moderne », dans le respect des règles académiques et de  »l’art Pompier ».

La représentation de Psyché en peinture

Peinture à l'huile,71x119.5cm de William Bouguereau réalisée en 1890, collection privée. Représentation du mythe d'Amour et Psyché enfants. Le baiser.

Amour et Psyché enfants, William-Adolphe Bouguereau, 1890

Quand la figure d’Amour/Eros est relativement fluctuante au fil du temps, celle de Psyché n’admet que peu ou pas de variation. Plus que l’évolution de son iconographie, c’est davantage la représentation même de la femme en peinture qui va se modifier au fil des siècles. C’est donc dans les Métamorphoses (ou l’Âne d’or) d’Apulée (auteur berbère du IIe siècle avant J.-C.) qu’est intégré le Conte d’Amour et Psyché. Psyché, la femme dont Amour est tombé amoureux et qu’il épouse par la suite, est parfois représentée seule, mais de préférence en compagnie de son époux Amour.

Dans ce Recueil d’Antiquités de Antoine Mongez (archéologue et historien de l’art du XVIIIe siècle) et Marie Joséphine Angélique Mongez (sa femme artiste peintre) paru en janvier 1804 chez Agasse, on trouve en particulier quelques paragraphes consacrés à Amour et Psyché (page 10).

Dans l’ouvrage sous la direction d’Eduardo Ramos-Izquierdo (Professeur de Littérature contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne) et de Angelika Schober (professeur en Lettres et Sciences Humaines à l’université de Limoges) rassemblant les actes du colloque consacré à l’Espace de l’Eros : représentations textuelles et iconiques (26 au 28 mai 2005), on trouve un chapitre intitulé De la tapisserie à la peinture : le didactisme de l’image au sujet de la légende de Psyché et Cupidon (page 35). Est abordé naturellement la question de la représentation de Psyché dans les arts, que ce soit en sculpture, peinture ou tapisserie.

Le programme multimédia réalisé par le musée du Louvre en décembre 2010 : Psyché ranimée par le baiser de l’Amour, permet de retracer l’histoire de Psyché à partir de ses nombreuses représentations.

Plus que l’épouse d’Amour, Psyché est également la personnification de l’âme et est associée au papillon (en grec « Psukhê«  signifie « papillon » ). C’est pour cette raison qu’elle est souvent représentée avec des ailes de papillon ou avec un papillon comme on peut le voir dans les œuvres suivantes : Le réveil de Psyché (salon de 1904) de Guillaume Seignac et Psyché ; elle revient des enfers rapportant à Vénus la boîte qui lui a donnée Proserpine (salon de 1859) de Paul-Alfred de Curzon.

Néanmoins, elle est parfois également représentée seule et sans ses ailes de papillon. Dans ces cas-là, seul le titre du tableau permet souvent l’identification. C’est le cas dans Psyché abandonnée (1795) de Jacques-Louis David ou dans cet autre tableau de William-Adolphe Bouguereau :

Psyché, William-Adolphe Bouguereau, 1892, huile sur toile, 65 x 107 cm, collection privée

Psyché, William-Adolphe Bouguereau, 1892

Mais l’iconographie la plus fréquente est toujours celle où Amour/Eros est présent à ses côtés, qu’elle ait ou non ses ailes de papillon. Etant le seul amour du Dieu, il est difficile de faire erreur. On pourra prendre en exemple L’Amour et Psyché (1817) de François-Edouard Picot et Psyché et l’Amour (salon de 1798) de François Gérard.

Cependant, la confusion avec le couple Zéphyr/Flore est parfois faite à cause des ailes de papillon de Zéphyr, notamment dans Flora et Zephyr (1875) de William-Adolphe Bouguereau, intitulée parfois à tort Amour et Psyché.

Pour davantage d’illustrations, nous vous renvoyons aux albums Amour et Psyché par Bouguereau et Amour et Psyché au XIXe siècle présents sur notre Flickr.

Le nu féminin en peinture

Amour et Psyché par William-Adolphe Bouguereau

Amour et Psyché par William-Adolphe Bouguereau, 1899

Dans les représentations d’Amour et Psyché, comme dans les tableaux à sujet mythologique en général, les personnages sont bien souvent représentés nus ou seulement vêtus de drapés dissimulants leurs parties intimes. A travers quelques articles, nous allons tenter de vous donner matière à comprendre cette nudité en art, en particulier dans la mythologie.

Anne Carol, professeur d’Histoire à l’Université de Provence, écrit pour la Revue Rives méditerranéennes (publications d’études de l’Unité Mixte de Recherche CNRS-Université Aix-Marseilles) un article intitulé La nudité au XIXe siècle. Elle y évoque en particulier la nudité esthétique et artistique dans la première partie de son étude. Elle tente d’expliquer pourquoi les nus artistiques sont si nombreux à cette époque à travers une forme d’histoire de la nudité. Néanmoins elle note avec justesse que ces nus sont en quelque sorte idéalisés (absence de pilosité, perfection anatomique…). Est également évoqué le passage du nu masculin au nu féminin au cours du XIXe siècle, notamment avec le mouvement romantique et l’orientalisme.

Sur la portail de revues en sciences humaines et sociales Persée, on trouve le numéro 63 de la revue Romantisme (1989) où Peter Brooks, professeur de littérature à l’université de Yale, propose un article Le corps-récit, ou Nana enfin dévoilée où il traite des objets de désirs, en particulier le nu féminin à travers la figure de Nana dans le roman de Zola. Il évoque l’évolution du nu féminin à la fin XIXe siècle avec l’arrivée de Nana, présentée comme une nouvelle Vénus, qui est comme un tournant dans la nudité dans l’art qui n’est plus exclusivement mythologique tout en restant décent.