L’œuvre de Bouguereau de nos jours

Aujourd’hui encore, l’art de Bouguereau est très déprécié et peu d’historiens de l’art choisissent de s’y intéresser et ce, malgré la popularité de Bouguereau au XIXème siècle (voir notre article La réception des œuvres de Bouguereau au XIXème siècle).

Considéré comme un peintre académique sans autre talent que celui de peindre ce qui avait déjà été fait maintes fois, il est souvent relégué au rang d’exemple lorsqu’est évoquée l’Académie des Beaux-Arts de l’époque. D’autre part, Bouguereau est souvent assimilé à l’art dit « mignon » ou « art du kitsch » du fait de ses nombreuses peintures autour des thèmes amoureux, présentant des enfants ailés et des allégories de l’amour (voir l’album Bouguereau et le thème de l’amour sur notre Flickr). Il est vrai qu’en comparaison avec la modernité des Impressionnistes, il est difficile de déprécier la peinture de Bouguereau qui n’a fait que reprendre ce qui existait déjà et de suivre les codes et les règles de l’Académie.

Néanmoins, quelques historiens de l’art se sont penchés sur le cas de William-Adolphe Bouguereau. Jacques Thuillier (historien de l’art, professeur au Collège de France, membre du Haut comité des célébrations nationales du XXe siècle) écrit un article pour Le centenaire de la mort de Bouguereau où il présente le peintre, souvent décrit comme représentant de la « mauvaise peinture », comme ayant sa place dans l’histoire de la peinture de son époque.

Laurier Lacroix, historien d’art québécois Membre de la société des Dix (2005), élu au fauteuil n°5, écrit pour la revue Vie des Arts (vol. 29, n° 115, 1984) un article intitulé Bouguereau : une question de sensibilité ? publié par le site érudit.org (consortium inter-universitaire à but non lucratif). Il y met en perspective la peinture de Bouguereau par rapport à celle de son époque. Elle y trouverait ainsi sa place et toute sa légitimité, au-delà de toute considération esthétique moderne.

La représentation de Psyché en peinture

Peinture à l'huile,71x119.5cm de William Bouguereau réalisée en 1890, collection privée. Représentation du mythe d'Amour et Psyché enfants. Le baiser.

Amour et Psyché enfants, William-Adolphe Bouguereau, 1890

Quand la figure d’Amour/Eros est relativement fluctuante au fil du temps, celle de Psyché n’admet que peu ou pas de variation. Plus que l’évolution de son iconographie, c’est davantage la représentation même de la femme en peinture qui va se modifier au fil des siècles. C’est donc dans les Métamorphoses (ou l’Âne d’or) d’Apulée (auteur berbère du IIe siècle avant J.-C.) qu’est intégré le Conte d’Amour et Psyché. Psyché, la femme dont Amour est tombé amoureux et qu’il épouse par la suite, est parfois représentée seule, mais de préférence en compagnie de son époux Amour.

Dans ce Recueil d’Antiquités de Antoine Mongez (archéologue et historien de l’art du XVIIIe siècle) et Marie Joséphine Angélique Mongez (sa femme artiste peintre) paru en janvier 1804 chez Agasse, on trouve en particulier quelques paragraphes consacrés à Amour et Psyché (page 10).

Dans l’ouvrage sous la direction d’Eduardo Ramos-Izquierdo (Professeur de Littérature contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne) et de Angelika Schober (professeur en Lettres et Sciences Humaines à l’université de Limoges) rassemblant les actes du colloque consacré à l’Espace de l’Eros : représentations textuelles et iconiques (26 au 28 mai 2005), on trouve un chapitre intitulé De la tapisserie à la peinture : le didactisme de l’image au sujet de la légende de Psyché et Cupidon (page 35). Est abordé naturellement la question de la représentation de Psyché dans les arts, que ce soit en sculpture, peinture ou tapisserie.

Le programme multimédia réalisé par le musée du Louvre en décembre 2010 : Psyché ranimée par le baiser de l’Amour, permet de retracer l’histoire de Psyché à partir de ses nombreuses représentations.

Plus que l’épouse d’Amour, Psyché est également la personnification de l’âme et est associée au papillon (en grec « Psukhê«  signifie « papillon » ). C’est pour cette raison qu’elle est souvent représentée avec des ailes de papillon ou avec un papillon comme on peut le voir dans les œuvres suivantes : Le réveil de Psyché (salon de 1904) de Guillaume Seignac et Psyché ; elle revient des enfers rapportant à Vénus la boîte qui lui a donnée Proserpine (salon de 1859) de Paul-Alfred de Curzon.

Néanmoins, elle est parfois également représentée seule et sans ses ailes de papillon. Dans ces cas-là, seul le titre du tableau permet souvent l’identification. C’est le cas dans Psyché abandonnée (1795) de Jacques-Louis David ou dans cet autre tableau de William-Adolphe Bouguereau :

Psyché, William-Adolphe Bouguereau, 1892, huile sur toile, 65 x 107 cm, collection privée

Psyché, William-Adolphe Bouguereau, 1892

Mais l’iconographie la plus fréquente est toujours celle où Amour/Eros est présent à ses côtés, qu’elle ait ou non ses ailes de papillon. Etant le seul amour du Dieu, il est difficile de faire erreur. On pourra prendre en exemple L’Amour et Psyché (1817) de François-Edouard Picot et Psyché et l’Amour (salon de 1798) de François Gérard.

Cependant, la confusion avec le couple Zéphyr/Flore est parfois faite à cause des ailes de papillon de Zéphyr, notamment dans Flora et Zephyr (1875) de William-Adolphe Bouguereau, intitulée parfois à tort Amour et Psyché.

Pour davantage d’illustrations, nous vous renvoyons aux albums Amour et Psyché par Bouguereau et Amour et Psyché au XIXe siècle présents sur notre Flickr.

Interprétation et symbolique du mythe

L’histoire d’Amour et Psyché laisse place à de nombreuses interprétations, dans cet article nous essayerons de présenter un panel de liens permettant d’avoir une lecture plus approfondie du mythe.

Le professeur Franklin Nyamsi, agrégé de Philosophie enseignant au Lycée Delamare Deboutteville (Forges les eaux) a écrit sur son blog un article intitulé Psyché ou la naissance de la conscience : interprétation d’un mythe, où il essaye de comprendre la symbolique du mythe d’Amour et Psyché. Dans le sens où Psyché est la personnification de l’âme humaine, les épreuves qu’elle subit représentent celles que doit surmonter l’Homme pour parvenir à la conscience en passant par l’expérience du mal et l’amour du Bien.

Christelle Bahier-Porte, professeur agrégée de Lettres Modernes au lycée Jean Monnet, fait sur le site de la revue Fééries, consacrée au conte merveilleux de langue française, du XVIIe au XIXe siècle, un compte-rendu critique du livre de Véronique Gély (professeur agrégée de Lettres Classiques enseignant à l’Université Paris-Sorbonne) : L’Invention d’un mythe : Psyché – Allégorie et fiction du siècle de Platon au temps de La Fontaine où elle évoque les différents aspects de la symbolique traités par Véronique Gély. On y retrouve encore une fois l’allégorie de l’âme, mais aussi la question de l’union de l’âme et de l’amour divin, un modèle de comportement et la distinction entre « les yeux de l’âme » et les « yeux de chair ».

Dans l’article Le Conte d’Eros et Psyché dans la littérature orale tiré du numéro 75 de la revue Topique (psychanalyse et anthropologie) sur cairn.info (portail de revues en sciences humaines), Anna Angélopoulos, psychanalyste et spécialiste du conte, évoque plus spécifiquement la symbolique du mythe autour du thème du mariage, notamment celui entre une entité divine et une âme humaine.

Marie-Martine Bonavero écrit pour l’Association des Professeurs de Lettres un article sur le conte de Psyché dans les Métamorphoses d’Apulée consacré aux rapprochements et liens entre le mythe, le conte et les autres genres littéraires (épopée, roman…), en mettant le tout en rapport avec la philosophie. C’est notamment dans la troisième partie de son article (III. L’influence de la philosophie) que sont évoqués l’interprétation du sommeil de Psyché, les thèmes de la Beauté, de l’Âme et du Dieu par rapport au mythe.

Pour finir, un article publié en 1894 par la Société d’histoire littéraire de la France dans la Revue d’histoire littéraire de la France, est entièrement consacré à la symbolique de l’épisode de Psyché découvrant Cupidon, et disponible en version numérique sur la plate-forme Gallica de la Bibliothèque Nationale de France.